C’est d’entraîner les autres à faire ce qu’il souhaite qu’il soit fait.
Outre ce que l’on vient d’évoquer dans l’article précédant, il est important de souligner que les actions ne sont pas déclenchées que par des raisons clairement identifiées. D’après Einsenhower « Le leadership, c’est l’art de faire faire à quelqu’un quelque chose que vous voulez voir fait, parce qu’il a envie de le faire.» S’ils en ont envie, les collaborateurs accompliront la tâche avec cœur et ils s’impliqueront réellement dans ce qu’ils font. C’est cette envie là, que le leader doit déclencher. Toutes les clés ne sont au service de l’envie à déclencher. La vraie question réside dans la capacité du leader à déclencher l’envie de ses collaborateurs à s’engager dans les actions qu’il attend d’eux.
Cheminement de l’envie
Or, l’envie est avant tout irrationnelle. Elle entraîne souvent des actions qu’on justifie ensuite. D’ailleurs, de manière générale, nous agissons très souvent sans avoir décidé. Professeur en sciences cognitives à l’université de Rochester, aux Etats-Unis, Alexandre Pouget prend un exemple: On ne choisit pas en conscience de s’arrêter à un feu rouge ou d’éviter un obstacle sur son chemin. Une fois analysées les décisions prises inconsciemment, on constate qu’elles sont presque toujours justes, en fonction des paramètres qui président à leur exécution. Nous savons aussi maintenant (depuis que nous pouvons faire des expériences avec les IRM), que nous avons deux routes principales dans notre cerveau : la route haute, celle qui nous permet de penser et qui nous donne un certain contrôle, et la route basse, celle des émotions, qui est rapide et qui opère à notre insu. L’envie emprunte plutôt celle-ci !
Les émotions sont contagieuses
Notre cerveau étant social, nos neurones se mettent ne résonnance avec ceux des personnes qui sont en face de nous et au moindre échange avec quelqu’un, il y a une cascade de réactions dans notre système nerveux central. Notre cerveau est aussi mimétique : un système miroir existe pour les émotions. Cela expliquerait l’empathie : quand on comprend ce que fait l’autre, on entre en empathie avec lui. Jean-Michel Oughourdian, neuropsychiatre et professeur de psychologie nous donne un exemple simple à comprendre : il suffit que vous regardiez quelqu’un se remplir un verre d’eau, le porter à ses lèvres, et vous vous dites « s’il se sert de l’eau et qu’il boit, c’est qu’il a soif », vous comprenez son intention donc son désir. Il rajoute : « plus encore, que vous le vouliez ou non, votre cerveau se met en état de vous faire faire la même chose, de vous donner la même envie ». Il appelle cela une disposition de notre cerveau à imiter ce qu’il voit faire.
Pour résumer simplement tout ce qui précède, toute interaction provoque un transfert d’émotions. Autrement dit, les émotions sont contagieuses. Nous attrapons les émotions des autres comme des virus en positif et en négatif et nous avons une forte tendance à imiter ce qu’on voit faire. Nos actions découlent fortement de nos émotions et de ce qu’on voit de l’autre. Notre envie peut donc être fortement influencée !
Une capacité d’adaptation
On voit bien là que dans la question du leadership se niche quelque chose de très impalpable mais néanmoins de majeur. Le leader est celui qui anime les relations : il conduit des individus pour que les interactions et les idées puissent s’exprimer et que les idées innovantes émergent. Au vu de ce qui précède, cela lui demande une grande capacité à gérer ses propres émotions et aussi, une très grande capacité d’adaptation. Cette capacité d’adaptation n’est pas seulement liée aux situations vécues dans l’entreprise et au niveau de maturité des personnes, comme le suggère la théorie du management situationnel, mais aussi au changement de société, à ce que vivent les gens à l’extérieur de l’entreprise. Le leader d’aujourd’hui a les oreilles et les yeux grands ouverts : il analyse et comprend ce que veut dire pour lui ce qui se passe à l’extérieur de l’organisation, afin de mieux comprendre dans quel contexte évoluent ses collaborateurs. Cette compréhension le rend humain et bienveillant.
Animer des relations exige de la bienveillance.
La bienveillance a pour synonyme la compréhension, la cordialité, l’indulgence, la prévenance, la sympathie, l’amabilité. Tous ces mots recouvrent des manières d’être avec les autres qui ne sont pas neutres, et encore moins distantes. Ainsi, la bienveillance implique un lien affectif qui met en œuvre notre capacité à apprécier les autres, voire à les aimer. Nous sommes bien dans le registre de l’émotion.
Mais que vient faire la bienveillance dans la question du leadership ?
Dans la langue française, nous n’utilisons qu’un seul mot : le mot « aimer ». Dans la Grèce Antique, on utilisait 4 mots pour exprimer « aimer » : eros, pour l’érotisme, la passion, storgé qui concerne plutôt les membres de la famille, philos, s’adressant aux amis (habituellement 4 ou 5 personnes), agapé, pour toutes les autres personnes. D’une manière générale, agapé, c’est l’amour dont parlent les évangiles (spiritualité chrétienne), ou bien la compassion (spiritualité bouddhisme), c’est le « tu aimeras ton prochain comme toi-même », traduit de la Torah par « tu aimeras, en allant vers ton prochain », c’est la bienveillance dont on parle en développement personnel. Cet amour là nous permet de nous intéresser à l’autre, souhaiter qu’il aille bien, qu’il soit en bonne santé, ou même heureux. Il nous permet de respecter sa dignité et de le prendre en considération. Ainsi, agapé est nécessaire dans toutes organisations humaines parce qu’agapé c’est considérer les autres : les écouter, comprendre leurs besoins ou leurs manques, les accompagner quand cela est nécessaire.
Remettre l’humain au centre des organisations …
…c’est admettre que rien n’est possible sans agapé. La bienveillance découle d’agapé. La bienveillance permet la confiance nécessaire entre des personnes qui doivent travailler, échanger, et coopérer. La confiance augmente le partage d’informations, l’ouverture aux idées nouvelles, aux idées des autres et la coopération. La confiance rend fluide les relations entre les personnes. Instaurer la confiance pour un leader, c’est d’abord se montrer digne de confiance : dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit. C’est, à ce titre, être exemplaire.
Ainsi, le leader, manager ou toute personne dans une organisation qui souhaite être un leader, doit cultiver cette bienveillance. Si on donne au leadership cette capacité à déclencher l’envie chez l’autre de nous suivre, il est impossible d’ignorer que le leadership d’aujourd’hui et de demain, ne sera pas celui d’hier. Toujours animé du même désir d’action, le nouveau leader est plus tourné vers les humains qu’il est censé guidé. Par nécessité… mais gageons que cette nécessité de considérer l’autre apporte à tous, non seulement plus de performance collective, mais aussi plus de bien-être.